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otre héritage n'est précédé d'aucun testament» cet aphorisme de René Char pourrait s'appliquer à la situation des Foyers de Travailleurs Migrants.
Car l'héritage est lourd ! Les foyers de travailleurs migrants hébergent aujourd'hui environ 130.000
personnes. Conçus dans les années d'après-guerre ils constituaient une formule d'hébergement certes en
progrès sur l'habitat insalubre et les bidonvilles mais celle-ci a bien vite montré ses limites et
il n'y a pas que le bâti et les résidents qui ont vieilli en cinquante ans. "Foyers dortoirs, foyers
suroccupés, foyers hors des villes, foyers immenses avec des chambres minuscules, foyers mouroirs,
foyers aux marges de la république", les foyers sont aujourd'hui un inépuisable sujet de commisération
pour tout journaliste en panne de copie. Et s'il est vrai qu'il y a beaucoup à faire pour faire cesser
certaines situations intolérables, la réalité est cependant beaucoup plus contrastée, et loin d'être
aussi sombre que celle dont certains se plaisent à entretenir l'image.
Si l'héritage est lourd, il n'est cependant précédé d'aucun testament
au sens où les foyers de travailleurs migrants ne sont pas un mode d'hébergement immuable, figé, et
les changements en cours aujourd'hui sont nombreux : mutation du bâti, des publics, des gestionnaires
et des politiques publiques. Ce à quoi nous assistons, c'est au passage "du foyer à la résidence sociale"
et cette formule peut résumer la nature de la transformation qui s'opère. Nous voudrions remercier ici
la revue "Ecarts d'identité" pour avoir ouvert ce dossier et en montrer toute la complexité. Ce numéro
n'est donc pas un état des lieux des conditions d'hébergement ni une lamentation commode sur un sujet
inépuisable. Il se veut délibérément tourné vers l'avenir et l'action en assumant l'héritage et en
nous appuyant sur celui-ci pour mettre en lumière les initiatives, les rénovations et les dynamiques
à l'œuvre.
La parole est donc donnée à des chercheurs qui retracent l'histoire
des foyers de travailleurs migrants ou qui analysent les mutations de politiques à l'œuvre. Des résidents
s'expriment sur leur réalité quotidienne et des gestionnaires de foyers décrivent des projets et des
actions qu'ils mènent. Enfin, place est donnée aux pouvoirs publics nationaux et locaux afin qu'ils
indiquent les objectifs qu'ils poursuivent. Toutes ces paroles d'acteurs, tous ces projets menés ne
coïncident pas. Il y a des écarts d'identité perceptibles que ce numéro fait apparaître.
Ce sont ces écarts qui interessent l'UNAFO car ils montrent une
réalité complexe dans laquelle notre Union s'est engagée de manière délibérée et pour laquelle elle
s'est donnée des moyens nouveaux pour la penser et la transformer. Prendre du recul par rapport à
l'action quotidienne, laisser sa place à une parole qui s'interroge et interroge la réalité, entendre
la diversité des points de vue, c'est peut-être cela que signifie l'acte de penser. C'est ce à quoi
voudrait inciter ce numéro.
Les écarts d'identité peuvent être féconds s'ils sont basés sur
l'écoute et le respect et s'ils sont mis en perspective d'un horizon commun rassemblant les énergies.
Merci à "Ecarts d'identité" de nous permettre de poursuivre ce beau chemin qui a pour nom :
le dialogue.
Jacques DUPOYET
*UNAFO : Union Nationale des Associations gestionnaires de Foyers et résidences sociales.
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