|
i, de manière globale, on peut dire, à l'instar d'Hannah Arendt,
que la politique est "l'art de gouverner les diversités", la question
qui semble se poser aux sociétés d'aujourd'hui est celle d'une
politique qui soit l'art de gouverner avec les diversités. Certes,
celles-ci constituent une donnée structurelle de toute société depuis
toujours, mais rendue implicite par la construction des sociétés comme
Nations. Or, la mobilité grandissante et les transformations profondes
amenées par ce siècle en ont fait une réalité telle que les représentations
et les symboles unicistes de l'identité nationale ne suffisent plus à la
contenir implicitement. Les grands écarts --économiques, sociaux, politiques,
culturels...-- qui agitent la société explicitent ou objectivent la diversité
des groupes sociaux qui la composent et tendent à rendre ainsi nécessaire
"qu'ils aient droit à la parole, qu'ils aient à défendre des positions
qui les concernent"... L'enjeu politique n'est rien d'autre et rien de
moins qu'un "objectif de fonctionnement plus démocratique de la société."
L'exemple des immigrés, étrangers ou
de nationalité française, et des générations issues de ces immigrés, en
France, est à ce sujet éloquent. Ces populations font partie des diverses
catégories sociales manquant de place ou d'inscription active dans le
fonctionnement du champ politique, avec juste la petite différence prompte
à révéler que la représentation de leur "communauté d'expérience" dans la
"classe" politique même, reste un enjeu crucial de ce "plus démocratique"
recherché. Et ce, au-delà du droit de vote et de son utilisation, même
si ces derniers constituent ou constitueraient un énorme pas tant la
France est, sur cette voie, en retard ... En arrière-fond, on peut
également lire la "mise à l'épreuve" des principes organisateurs
jusque-là du champ politique voire un appel à sa "refondation"...
Tout un programme donc ! Du moins tout un questionnement qui mérite
débats et confrontations d'idées loin des détours et stratégies
"d'euphémisation" qui en tiennent souvent lieu.
C'est ce questionnement sur le "Droit de Cité" -- à ne pas
confondre avec le fait de ou des cités --, dont l'actualité se
révèle aujourd'hui plus structurelle qu'évènementielle, qui fait
l'objet de ce numéro. Nous avons choisi de l'ouvrir en donnant
en premier lieu la parole à une personnnalité représentative à
plus d'un titre dans ce domaine, en dehors même des éventuels
accords ou désaccords que l'on peut avoir avec ses propos :
par sa conscience aigüe de l'enjeu, par son combat pour le faire
avancer de manière démocratique, et par son expérience dont les
leçons font comprendre finalement pourquoi la France est en
"peloton de queue" sur cette question. D'autres acteurs et
chercheurs, soucieux et/ou engagés dans cette question,
en nous faisant l'honneur ici de nous accompagner, viennent
en quelque sorte dialoguer avec ce témoignage. Entre ces
contributions, maints échos sont sensibles, attestant par
là-même de l'urgence à avancer dans ce chantier. Certains
écarts aussi, c'est la vertu du débat et du dialogue.
Abdellatif CHAOUITE
|