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ls portent en eux la mémoire de l'exil, celle du lien entre le pays d'origine et
le pays de leur installation. Ils ont apporté leur force, leur sueur et
leur sang pour contribuer à la reconstruction du pays. Ils sont enfin, les
témoins vivants des dynamiques migratoires de ce siècle. Et pourtant, les immigrés
vieillissent et meurent dans une indifférence quasi générale...
Il semble que le besoin de recréer des histoires
familiales, les désaffiliations et le manque de repères dans les recompositions identitaires,
le sentiment qu'une partie de notre histoire se clôt mais aussi les obstacles que rencontrent
les politiques d'intégration et la ténacité des acteurs associatifs remettent cette génération
au coeur d'une certaine actualité. Le film récent de Yamina Benguigui, "Mémoires d'immigrés",
et le thème choisi pour le 40ème anniversaire de la création du F.A.S. en sont quelques
aboutissements marquants qui en démontrent l'intérêt grandissant pour toute la société.
Ce numéro spécial d'Ecarts d'identité, préparé en partenariat
avec le F.A.S. et le Mouvement de la Flamboyance souhaite, à sa mesure, apporter sa contribution
à cet éveil. Son titre "le troisième âge de l'immigration" se veut tout à la fois un hommage
au sociologue Abdelmalek Sayad qui, jusqu'à sa mort, n'a cessé d'éclairer notre entendement
sur "qu'est-ce qu'un immigré", "les trois âges de l'immigration"... et un rappel exigeant
de reconnaître comme nôtre le destin de ces vieux immigrés. Cette production comprend
certaines des interventions fortes issues des ateliers régionaux sur ce thème en Juin
1998. Elle s'appuie sur des témoignages et des récits de vie recueillis auprès de
travailleurs migrants et d'associations nées de l'immigration et sur la réflexion
de quelques acteurs et chercheurs pertinents. De ce fait, elle constitue l'un des
apports préparatoires au colloque national organisé par le F.A.S. et le Mouvement
de la Flamboyance les 27 et 28 Mai 1999 à Aix-en-Provence (cf. p.23). Gageons
que cette mobilisation nationale impulsera et accompagnera des initiatives fortes.
Les contributions assemblées ici suggèrent d'ores et déjà plusieurs pistes de travail
- Un besoin de mieux cerner et mieux comprendre cette
réalité sociale : si un étranger de plus de 60 ans sur 4 vit en foyer, que savons-nous
des trois-quarts restants, dont une majorité est originaire d'Europe ?
- L'égalité théorique devant le droit à la retraite se
heurte parfois à des obstacles. La complexité des dossiers administratifs pour une population
souvent illettrée, la difficulté de reconstitution d'une carrière morcelée, la cristallisation
des pensions d'Anciens Combattants..., remettent en cause un accès au droit égalitaire.
Cette question des retraites qui représente une part importante des activités des
associations d'accueil appelle sa priorisation dans tout programme d'intégration
des populations immigrées.
- Des lieux de vie restent à inventer : ni les foyers
d'accueil qui les isolent, ni les maisons de retraite trop chères ne sont adaptés aux besoins
de cette population vieillissante en perte d'autonomie.
- Le droit d'aller et venir : la question du retour définitif
étant devenue un leurre, beaucoup d'entre eux partagent leur vie entre ici et là-bas. Plusieurs
réformes, notamment en matière de retraite devraient pouvoir assouplir un système trop restrictif.
- Prendre la parole : la richesse de la mémoire des vieux
immigrés et la valeur de leur récit manquent encore de "lieux" pour se dire, se partager et se
transmettre. Ce serait symboliquement régulateur pour eux-mêmes, pour leurs enfants et petits-enfants,
et pour notre équilibre collectif.
- Enfin, après avoir "ignoré" leur vieillesse, allons-nous
oublier leur mort ? Cette dernière étape est devenue de grande actualité. Lieux de cultes,
respect des rites funéraires, aide au rapatriement des corps, carrés ou cimetières musulmans...
Ultime étape, dernier accompagnement signe d'une intégration respectueuse des engagements
spirituels de chacun.
A travers ces points et d'autres évoqués dans ce numéro,
"les vieux immigrés disent le siècle". Ecouter, ou au contraire ignorer ces "dires", pourrait bien
annoncer l'alternative du destin de ceux du siècle prochain.
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