EDITORIAL
Achour OUAMARA
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unambulisme. C'est le mot qui cimente création et migration.
Myope qui n'observe que le balancement. Ne voit-il pas au loin le créateur
funambule haranguer l'horizon ? Certes, au gré du vent souvent glacial, le
créateur-migrant peut pencher pour l'enivrement identitaire, mais c'est moins
pour chanter l'origine creuse que pour montrer les saillies d'une expérience
douloureuse. C'est alors que l'encrier dit la truelle, la palette les ombres et
lumières d'une cité lézardée, la pellicule les boursouflures de l'ignorance partagée.
Du reste, l'origine vaut bien un détour. Il faut sûrement s'en acquitter pour la quitter.
Une fois l'origine dévoilée, sa sentinelle éprouvée, ses signes dérobés, place à l'interstice
d'où sourdent les signes de germination.
Le primo-migrant, lui, prend la figue de Caïn, laboureur
infatigable d'une terre trop exigeante, auquel Dieu (!), l'ingrat, refuse l'offrande. C'est
pourquoi, les jeunes créateurs issus de l'immigration jouent, dans un rire de diable, à se
pétrir de leur propre glaise. Autocréation. Il n'est pas de ces oeuvres créatives qui ne
soit une invite au dépassement. Pour peu qu'on sache traverser le vernis identitaire qui
peut ça et là en transparaître, on pourrait y lire la peine du décentrement, la circoncision
du regard par trop accusateur. Jusqu'à ces oeuvres dites mineures (le sont-elles ?) : voici
le rap qui marteau-pique (dans) la langue, le tag qui tatoue la muraille, le break-dance
que jalouse le cygne.
Le déchirement culturel, tarte à la crème pour nos faux
éclaireurs, aussi prompts à exhiber leur âme dérangée qu'à proposer à qui mieux mieux le bon
raccommodage, est à ranger parmi les articles de mercerie. N'es-ce pas que chacune de ces
créations instruit leur procès ?
Dans métissage il y a tissage. Donc motifs inédits où
l'irrégularité se fait valeur. Nul doute que demain ces créations accèderont au rang de
norme. D'ici là, les Grands Salons poudrés peuvent toujours les exclure dans la marge.
Grisante est la marge ! La pierre délaissée devient angulaire.
Créations d'origine, dites-vous ? Servez ce
thème aux faiseurs de littérature tiède ! Migration est réservoir de créations
hors-les-murs et les oeillères, source d'inventions faites de tensions brûlantes
qui travaillent confusément l'exil, l'errance et autres vicissitudes de notre temps.
Que peut donc un numéro de revue sinon suivre
la trace du créateur funambule ? Osons espérer que le lecteur trouvera ici de quoi
s'enquérir de la corde.
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