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interculturel est un paradigme qui fait son chemin, de manière pragmatique, dans les approches politico-institutionnelles, après deux décennies de malentendus qui l’ont bien souvent caricaturé. Sans doute est-il en train de s’imposer comme une option stratégique (distincte du multiculturalisme) face à l’émergence de groupes sociaux dont on commence à parler en termes de «minorités visibles», groupes à la fois différenciés et inégaux sur la scène sociale.
Les apports migratoires mais aussi les différents systèmes de classifications sociales de ces apports constituent une des dimensions importantes de ce paradigme. Cependant, l’histoire de ces apports a été trop souvent pensée du côté des hommes essentiellement, en appui en cela sur le « système » de l’immigration lui-même : une histoire d’hommes comme force de travail mobile ayant regroupé par la suite leurs familles. Ainsi, le sujet féminin de l’immigration s’est trouvé subsumé sous des fonctions familiales et sociales. L’expérience de l’immigration a pourtant souvent bouleversé et redéfini les rôles et les statuts familiaux et sociaux des hommes et des femmes, propulsant ces dernières comme actrices dans l’espace public. Des mutations importantes concernant la place de la femme dans les pays aussi bien d’émigration que d’immigration (parité hommes-femmes en France, transformation du statut personnel au Maroc et en projet en Algérie…) ont également eu lieu, affranchissant plus les femmes des réflexes et habitus tutélaires et dominateurs classiques.
L’interculturel au féminin est une thématique par laquelle Ecarts d’identité a souhaité interroger le croisement de l’option stratégique interculturelle et la question du genre par le biais des parcours d’affranchissement des femmes immigrées et issues de l’immigration. La diversité des conditions, des expressions, des générations et des enjeux sociaux, historiques et identitaires distingue évidemment les expériences dans ce croisement. Elle en forme également la mémoire et l’assise pour une relecture moins oublieuse de ce que l’interculturalité doit et devra encore aux femmes : les stratégies simplement personnelles qui inventent des devenirs envers et contre tous les statuts assujettissants; les engagements associatifs des femmes ; leurs trajectoires créatrices dans l’écriture ; leur vieillissement dans le pays d’immigration ou leur lutte dans les pays d’origine mêmes, sont quelques-uns des aspects évoqués dans ce numéro…
Ce numéro sur l’interculturel au féminin clôt par ailleurs, de manière heureuse à nos yeux, la série actuelle d’Ecarts d’identité. A partir du prochain numéro, une nouvelle série prendra le relais. La revue gardera évidemment son identité et ses écarts ainsi que sa ligne rédactionnelle faite de fidélités/infidélités, de traces/écarts… mais changera d’ «habit» ainsi que de rythme : une parution semestrielle dans un format et un volume plus adéquats avec cette échéance. Ce changement correspond à des contraintes sur lesquelles nous nous sommes déjà expliqués, en partie, dans le numéro du dixième anniversaire (n° 100/101). Cependant, fidèles justement à nos écarts, nous faisons de nécessité vertu en proposant aux lecteurs une revue plus ouverte aux différentes modes d’expression de la migration, de l’égalité et de l’interculturalité, avec toujours le même souci du dialogue et de la critique constructive.

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